mercredi 26 mars 2008

Courrier des lecteurs

Ce petit journal a été quelque peu négligé ces derniers jours, mais cela n'a pas empêché ses lecteurs d'exprimer différents commentaires que j'aimerais - une fois n'est pas coutume - évoquer ici.

Tout d'abord, un informateur californien - du nom de Pierre - me signale que les couques suisses (eh oui, encore elles) sont là-bas appelées danish -- couques danoises, donc. Cela ne fait qu'épaissir le mystère, d'autant plus que je me souviens maintenant en avoir souvent trouvé lors d'un de mes voyages en... Suède. On m'excusera sûrement de ne pas avoir retenu le nom suédois de ces friandises. Enfin, Sandrine me rappelle fort à propos qu'on n'a jamais vu de "couques suisses" en Suisse.

En ce qui concerne les noms des terms, j'ai obtenu un complément d'enquête de la part d'un informateur limbourgeois - Marc - qui me signale que les quatre divisions de l'année qu'ils suggèrent étaient aussi utilisées chez nous pour les contrats notariés au Moyen âge: Saint Hilaire, Pâques, Trinité et Saint Michel. Ils étaient associés aux quatre saisons (ils ne savaient pas encore qu'elles commençaient un 21). La saint Hilaire est la moins connue, parce qu'il y avait très peu de contrats qui utilisaient cette date en plein hiver. Par contre les paiements à la Saint Michel étaient très fréquents (après les moissons).

Enfin, David (de Bruxelles) me signale - outre la coquille dans Paddington, merci David - que les traductions allemandes dispensées par la STIB sont également de très piètre qualité. Qui l'eût cru ?

En pensant à nouveau à ces problèmes de traduction, je ne peux m'empêcher de me demander comment aujourd'hui, alors que les moyens de communication sont si bien développés et que le nombre des "expats" ne fait que croître, on doive encore ressortir à des traductions aussi pitoyables. Est-il donc si difficile de trouver, à Bruxelles, une personne dont l'allemand (une langue nationale après tout) est la langue maternelle ? Je ne puis le croire.

Je pense tout de même que la palme du ridicule revient aux "chefs de trains" (puisque c'est ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes) des eurostars, qui dispensent, lors de chaque départ et chaque arrivée, un message en trois langues: français, néerlandais et anglais.
Inutile de dire qu'il est rarissime de rencontrer un "chef de train" parfaitement trilingue. J'irais même plus loin: il est rarissime de rencontrer un "chef de train" qui ne soit pas manifestement Français, à en juger d'après son accent... On imaginera alors facilement le résultat. Le message en français est énoncé dans le plus pur style parisien. Le message anglophone est prononcé avec un accent très "frenchie" et il est parfois difficile d'y reconnaître l'idiome parlé de ce côté de la Manche. Ceci dit, il faut reconnaître qu'on a tout de même l'impression que le locuteur comprend ce qu'il énonce, malgré les difficultés manifestes. Le résultat est par contre nettement moins glorieux quand on en arrive au Néerlandais... Il est manifeste que toute la science du Néerlandais de ces "chefs de train" se résume à une morceau de papier sur lequel une bonne âme a dû inscrire en phonétique une transcription approximative de "Welkom in deze trein..."
Le résultat est tout à fait inattendu, à chaque fois différent (pas un ne comprend ce qu'il dit), mais toujours pathétique. On a dû expliquer à ces braves "chefs de train" qu'au plus la prononciation se rapprochait du bruit du crachat ou de l'éructation, au mieux c'était, car c'est manifestement ce genre de sons qu'ils tentent de produire (avec malheureusement un certain succès, il faut bien le dire). Un mot sur deux est ravalé avant d'avoir été prononcé, les pauses apparaissent au moment les plus incongrus (de préférence au milieu d'un mot), quand l'annonce n'est pas tout simplement coupée avant la fin de la dernière phrase (sans doute inscrite au dos de la feuille en phonétique ?)
Enfin, il est bien entendu que ces messages - dignes des chorégraphies exécutées par les hôtesses de l'air lors des "annonces de sécurité" - sont toujours les mêmes: bienvenue à bord, veillez à ce que vos bagages ne gênent pas les portes, etc. Aussi, je ne peux m'empêcher de me poser la question à chaque voyage: comment se fait-il qu'on n'ait pas encore jugé bon de faire enregistrer une fois pour toutes chacun de ces messages par un natif de la langue ? Comment se fait-il que le service à la clientèle d'eurostar ne croule pas encore sous les lettres de clients néerlandophones ou anglophones se plaignant d'une telle situation ? Il faut croire que le "chef de train - vache espagnole" fait partie du folklore...

jeudi 13 mars 2008

A tale of three terms

L'année académique à Oxford est divisée en trois terms, que l'on peut rapprocher des quadrimestres en vigueur en Belgique depuis la récente réforme de Bologne. Comme de coutume ici, ces terms portent des noms fleuris, hérités d'une tradition qu'on imagine séculaire (et même si elle ne l'est pas, elle en donne l'impression, ce qui est sans doute l'essentiel).

Le premier term se déroule à peu près du début du mois d'octobre au début du mois de décembre, et s'appelle Michaelmass, ce qu'on peut traduire par "la Saint-Michel" (la fête du saint patron de l'ULB - ne l'oublions pas - a en effet lieu le vingt neuf septembre). Cette année, Michaelmass commence le sept octobre et se termine le premier décembre. Le second term s'appelle Hilary, et s'étend du début du mois de janvier au début de mois de mars. Je suppose qu'il s'agit d'une référence à Saint-Hilaire, dont la fête a lieu le treize janvier (par chance, Hilary commence justement le treize janvier cette année, et se termine le huit mars). Le troisième et dernier term se nomme Trinity et prend place de la mi-avril à la mi-juin (du vingt avril au quatorze juin cette année). Chez les Chrétiens, la fête de la sainte Trinité a lieu une semaine après la pentecôte, c'est-à-dire généralement vers la fin du mois de mai, ou le début du mois de juin. Cela tombe donc vers la fin du Trinity term. Si je peux facilement comprendre que les Anglais ont choisi les fêtes de Saint-Michel et la Sainte Trinité comme points de repère dans l'année académique, tant ceux-ci sont importants pour les Chrétiens, j'ai un peu de mal à saisir l'origine de la référence à Saint-Hilaire, qui était évêque de Poitiers... Est-ce seulement une coïncidence du calendrier ? Mystère...

Il est assez utile d'être au courant des noms des terms, et de leurs dates, tant ceux-ci ont une influence sur la vie du collège. De nombreuses dates sont communiquées en référence aux terms: on parlera de la 3ième semaine de Trinity, de la dernière semaine avant Hilary, etc. Les étudiants à Oxford ont l'obligation de résider dans la ville pendant les terms. Quant aux undergraduates (grosso modo les bacheliers, au sens du système "Bologne"), ils doivent avoir rejoint le collège quelques jours avant le début des terms, mais rentrent habituellement chez leurs parents quand ceux-ci se terminent. Les services offerts par le collège sont dès lors modifiés en-dehors des terms: les heures des repas sont modifiées, il n'y a plus de messe à la chapelle, la bibliothèque ferme plus tôt (en écrivant cette liste d'exemples, je me rends compte qu'elle laisse décidément peu de doutes sur mes centres d'intérêts...) et surtout, le fameux second sitting est annulé.

C'est bien dommage, car j'avais déjà pris la peine de consulter le dress code, qui explique en détail ce qu'il faut porter et en quelle occasion. En effet, il serait illusoire de croire qu'il suffit de porter la toge (et encore faut-il savoir comment: couleur du capuchon, chapeau, etc, tout cela importe). Le site web de l'Université explique avec force détails comment s'habiller en fonction de l'occasion, du "grade" (étudiants, doctorant, professeur, etc), et même du public (on ne s'habille pas de la même manière si le Chancellor est présent). Même le vêtement porté sous la toge (appelé subfusc) a son importance et est codifié... Par exemple, lors des examens, l'impétrant se présente en toge, avec capuchon et chapeau carré, et porte le subfusc: chemise blanche, pantalon noir et noeud papillon blanc pour les garçons; jupe noir, chemisier blanc et cravate noire pour les jeunes femmes. Par contre, pour les garden parties, seuls la toge et le capuchon sont nécessaires. Pour les docteurs, il y a jusqu'à sept tenues différentes qui doivent être choisies en fonction des circonstances...

L'événement du jour est l'arrivée de ma carte - officielle cette fois-ci - de l'Université, sur laquelle je suis rebaptisé "Giles" (avec un seul l) Geeraerts. Comme une des rues principales d'Oxford - celle où se trouve Saint-John's - s'appelle Saint-Giles, ce n'est qu'à moitié surprenant (j'ai pourtant rempli le formulaire moi-même, ce qui exclut à peu près tout risque d'erreur à ce niveau). Ajoutons que la photo qui y est apposée a été prise une demi-heure après mon arrivée à Oxford, après un voyage de six heures. C'est dire si j'y arbore un sourire radieux. On comprendra alors à quel point je suis ravi de détenir là un tel souvenir dont le potentiel comique ne fera que croître avec le temps...

mardi 11 mars 2008

Entrez votre broche et votre billet sera réparti...

Ce matin, à la gare de londonienne de Paddington, où j'achetais mon billet pour Oxford, le terminal de paiement dans lequel j'introduisais ma carte de crédit, m'indique - en français - qu'il me faut "introduire ma broche". Interloqué dans un premier temps, et craignant qu'une nouvelle diablerie de clef ou de carte magnétique soit nécessaire pour continuer, je comprends qu'il me faut traduire cette phrase en anglais, de façon tout à fait littérale, avant de pouvoir la restituer correctement dans ma propre langue: "introduire votre broche": "enter your pin". Evidemment ! c'est le code de ma carte que cette machine m'invitait à composer, à l'aide de son message qui, censé aidé le chaland, lui cause en fait une certaine confusion. On aurait pu dire également: "introduisez votre punaise", ou encore "introduisez votre goupille"...

Cela m'apprendra peut-être à être plus indulgent envers les nouveaux distributeurs de tickets de métro installés à Bruxelles. Quand l'anglais est la langue choisie, ceux-ci indiquent: your ticket is being distributed; ce qui, à mon avis, est un contresens. To distribute implique une notion de répartition: il s'agit de distribuer, certes, mais un grand nombre de choses que l'on répartit entre différents récipiendaires. On peut, par exemple, distribute des feuillets parmi les membres d'un groupe, ou bien des journaux chez les abonnés. Mon on ne distribute pas un seul ticket à une seule personne... sans quoi on pourrait bien s'attendre à le réceptionner en petits morceaux !

Il serait sans doute plus correct de dire your ticket is being delivered, bien que le verbe to deliver a malheureusement ouvert la porte à un autre contresens, en français cette fois. Par deliver il faut entendre "distribuer" ou "livrer", mais certainement pas "livrer". On délivre un prisonnier de sa geôle, on délivre un oiseau de sa cage; mais on ne délivre pas un ticket, et encore moins un courrier électronique, comme nous l'assènent pourtant les logiciels de messagerie traduits avec peu de soin.

Ceci dit, la palme de la traduction bancale revient certainement à ce gadget fabriqué en Chine et vendu à l'occasion d'une coupe du monde de football; dont l'emballage traduisait "for all the fans of the world cup" par "pour tous les ventilateurs de la tasse mondiale"...

Go to, let us go down, and there confound their language, that they may not understand one another's speech !

samedi 8 mars 2008

Destroy Keble

Ne demandez pas à voir l'Université d'Oxford, elle n'existe pas. L'Université n'existe qu'à travers ses collèges, ce qui peut rendre son organisation difficile à saisir au premier abord. Les étudiants qui s'inscrivent à l'Université choisissent, comme dans toutes les universités, leur branche principale et une série de cours à options. Par contre, ce qui est plus caractéristique, chaque étudiant est également invité à choisir un collège auquel il sera rattaché (s'ils ne le fait pas, un collège lui sera assigné d'office). Le collège est, grosso modo, l'entité qui se charge de la vie quotidienne des étudiants. Il offre le logement, la nourriture tant terrestre (dans ses cafétérias) que spirituelle (dans sa chapelle), des loisirs, ses bibliothèques, etc. Comme les étudiants, chaque professeur est rattaché à un collège, qui lui offre les mêmes services. Certains professeurs logent dans des logements de fonction aux allures de manoir...

Les étudiants et les professeurs sont en général très attachés à leur collège, à tel point qu'un esprit de clan a tendance à voir le jour. Des rivalités parfois virulentes surgissent entre les collèges. C'est le cas, par exemple, entre Saint John (le collège dans lequel je loge, et auquel je suis donc, plus ou moins, rattaché), et Keble (un collège plus moderne, fondé au XIXème siècle dans un esprit de réformation de l'Université). Ce dernier est construit dans le plus pur style victorien, et sa façade de briques rouges est parcourue à intervalles réguliers de lignes de briques blanches rehaussées de quelques rares briques noires. C'est pourquoi le club Destroy Keble, fondé par des étudiants de Saint-John et dont l'objet social n'appelle aucun commentaire au vu de son nom explicite, exigeait qu'on produise une brique de la façade de Keble pour pouvoir y être accepté; pendant un an si la brique était rouge, cinq ans si elle était blanche, et à vie dans le cas d'une brique noire. Depuis, le club a officiellement été dissous...

Si la vie de collège est à la base de la vie universitaire à Oxford, l'essentiel de la vie académique ne se déroule pas dans le collège. Les cours sont organisés par les différents départements (informatique, mathématiques,...) qui regroupent les enseignants dans la branche en question, issus des différents collèges, ainsi que leurs chercheurs. C'est également dans les départements que la recherche prend place.

Le département d'informatique (de l'Université donc - il n'est pas rattaché à un collège en particulier) se trouve dans un bâtiment, un peu en-dehors du centre, dont la genèse est assez unique. Les Anglais ont décidément la délicieuse habitude de faire du neuf avec du vieux: ce bâtiment est constitué de plusieurs maisons victoriennes contiguës qui ont été rachetées par l'Université, et dont on a fusionné les espaces intérieurs. Mais qu'on ne s'y trompe pas: il ne s'agit pas du façadisme cher aux architectes bruxellois. La structure interne des différentes maisons a été en partie préservée, si on excepte les passages percés dans les murs afin d'assurer la communication entre les différents édifices.

Le résultat est digne de Dédale, et il m'a fallu deux jours pour retrouver la salle café après mon arrivée ! On ne peut faire cinq mètres dans ce bâtiment sans devoir monter ou descendre une volée de quelques marches (tout en restant pourtant au même étage), ni sans devoir obliquer pour suivre les méandres du couloir qui contourne l'une ou l'autre ancienne cage d'escalier... Ainsi, dans mon bureau, un des murs porte encore les traces d'une porte, aujourd'hui murée, dont les moulures à l'ancienne qui en formaient l'encadrement sont encore bien visibles. De même, un des murs est vraisemblablement "d'époque" - à en croire la rectitude toute relative de la couche de plâtre - alors qu'un autre est visiblement fait de plaques de plâtres. Ajoutons à cela que le bâtiment a été récemment agrandi, en béton cette fois-ci, mais avec une façade en brique dans le style de ses respectables congénères. Il n'est pas difficile de se rendre compte qu'on passe de la partie ancienne à la partie moderne du bâtiment, car l'on sent sous ses pieds les grincements du plancher vénérable qui cèdent leur place à la régulière solidité du béton armé !

Quand je me penche un peu par la fenêtre de mon bureau, j'ai une très belle vue sur la chapelle de Keble, qui est encore loin d'être à court de briques...

jeudi 6 mars 2008

A temporary card

Comme je n'ai pas encore reçu la University card qui devrait me permettre, entre autres choses, d'accéder librement aux bâtiments du laboratoire, par le truchement des lecteurs magnétique qui en gardent toutes les portes, chacune de mes entrées se fait par la réception. L'Université emploie décidément un personnel important car la réceptionniste change chaque jour, ou presque. De ce fait, je décline chaque jour mon identité, et explique ce que je viens faire là, afin qu'on me laisse entrer.

Ce midi, néanmoins, une conversation s'engage avec la réceptionniste, qui me demande combien de temps je resterai au laboratoire. Je réponds à sa question et lui explique que j'espère bien recevoir sous peu la carte qui m'évitera de l'importuner à l'avenir. Ce à quoi elle me répond (4 jours après mon arrivée, donc): "oh, but, do you want a temporary card ?"

Un peu étonné, et craignant une nouvelle procédure administrative, je tente d'expliquer que, si c'est compliqué, cela n'en vaut pas la peine, car ma demande est déjà introduite pour la carte "définitive", que j'attends incessamment... Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que la réceptionniste sort de dessous son bureau un gros paquet de cartes magnétiques, dont elle en extrait une. "We have temporary cards for visitors", me dit-elle. Et effectivement, la carte que je reçois est toute blanche, à l'exception de l'indication "visitor", et d'un numéro qui y ont été portés au marqueur indélébile.


Deux minutes plus tard, après que mon nom eut été soigneusement consigné dans un registre, je poussais, la poitrine gonflée d'une fierté de conquérant libre et indompté, les vantaux jusque là rebelles de la porte du laboratoire; porte que j'avais moi-même déverrouillée à l'aide de ma "temporary card for visitor".

Une nouvelle après-midi de travail pouvait commencer...


mercredi 5 mars 2008

Quand l'estomac va... tout va !

Pour mon troisième jour à Oxford, ma nonchalance belgo-belge m'a déjà joué des tours. J'ai découvert, à mon grand dam, ce matin, que le petit déjeuner est servi entre 8h20 et 8h50. Naturellement, à 8h52 (heure approximative de mon arrivée), il n'était déjà plus possible d'être servi.

Je me suis donc rabattu sur une "belgian bun" achetée la veille, et conservée dans ma chambre en cas de fringale pressante. Avec un nom pareil, je n'ai bien sûr pas pu m'empêcher d'en acquérir dès que j'en ai vues au "Sainsbury" qui me sert de supermarché. De quoi s'agit-il me demandera-t-on ? hé bien, pour les Anglais, une "couque belge" (traduction qui me semble la plus appropriée), c'est ce que nous autres Belges appelons une "couque suisse" (à peu de chose près: elles sont un peu plus hautes ici que chez nous). De là à supposer que les Suisses nomment "pains anglais" ces mêmes pâtisseries, il n'y a qu'un pas...

Outre le petit déjeuner, les autres repas de la journée font également l'objet d'un horaire strict. Le déjeuner est servi entre 12h45 et 13h30 (je note cela tant pour m'exercer à retenir les horaires que pour l'intérêt tout relatif que ces précisions peuvent offrir). Là aussi, pas question de plaisanter avec l'horaire, ni avec le choix des plats. Première règle apprise aujourd'hui: on ne peut pas avoir de pâtes avec les saucisses, mais bien des pommes de terre. A force d'essais et d'erreurs, je finirai bien par découvrir le système complexe de contraintes qui régit l'humeur du cuisinier. Je n'en suis, après tout, qu'à mon premier jour d'essai...

Enfin, le repas du soir, est le centre de toutes les attentions. Il peut prendre deux formes. Le "first sitting" est un repas classique de cafétéria: on prend son assiette et on s'assied pour manger. Pour 40 pence de plus, on peut par contre prendre part au "second sitting". Celui-ci commence plus tard, et fait l'objet de plus de cérémonial, si j'en crois le document du collège qui décrit cela. Il y a un service à table, et les convives sont en toge. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'expérimenter car il faut réserver via un ordinateur qui se trouve dans la loge du portier (et ceux qui tentent d'accéder au dîner sans avoir réservé seront dénoncés au Doyen...) mais cette activité figure clairement sur mon agenda.

lundi 3 mars 2008

Premières impressions

Il m'apparaît maintenant avec certitude que les Anglais ont une notion très pittoresque de la "sécurité" dans la vie quotidienne. Celle-ci, poussée dans ses derniers retranchements, se fond imperceptiblement avec l'amour si anglo-saxon des procédures et autres règlements, pour produire un résultat assez déroutant, pour le "continental" (et Belge, de surcroît), que je suis.
Les formalités qu'il me faut remplir dès mon arrivée en témoignent. Ainsi, en Angleterre, on n'entre pas dans les bâtiments d'une Université sans montrer patte blanche. A Bruxelles, n'importe quel fâcheux semble pouvoir accéder à tous les recoins du bâtiment NO à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Ici, toutes les portes sont contrôlées par l'une ou l'autre carte magnétique (qu'il faut obtenir à force de formulaires et de photos d'identités). Même la vénérable porte en boiserie de Saint-John's, qui arbore pourtant encore une prodigieuse serrure digne de son grand âge, s'ouvre à l'aide d'une clef magnétique.

Rien n'est laissé au hasard par les "safety rules", soigneusement consignées dans un épais classeur qu'on trouve sur les tables de la salle où l'on prend son café. Pensez-vous arriver avec votre ordinateur portable, et le raccorder benoîtement au réseau électrique de l'Université ? Hors de question ! Tout appareil électrique doit d'abord être testé. Je confie donc mon portable au technicien, qui, après avoir noté différents numéros de série (ordinateur lui-même, transformateur, batterie, carte ethernet,...), me confie un câble spécial, seul autorisé à raccorder le transformateur au réseau électrique. Mon bon vieux cordon "belge" équipéd'un adaptateur ad hoc ne semble pas plaire: "we don't like it here". Il en va de même pour la pièce, pourtant fabriquée et vendue par Apple, qui permet de mettre une prise anglaise directement sur le transformateur: "we don't like it either". A l'aide du câble approuvé, l'ordinateur suspect peut être raccordé à une machine - sorte de croisement monstrueux entre une console de jeux et un thermomètre multi-fonctions - qui, dans un langage numérique compris du seul technicien, approuve le matériel soumis à son suffrage. Enfin, différents autocollants sont posés à des endroits savamment choisis (derrière la batterie,...), indiquant que tout ce matériel a été correctement testé; et faisant de mon transformateur une glorieuse stèle qui témoignera, in saecula saeculorum, de la parole de l'Oracle.


Je consigne cela avec amusement, et non pour m'en plaindre. Comment pourrais-je d'ailleurs m'irriter, alors que toutes ces procédures sont menées avec efficacité et bonne humeur ? Et que dire, sinon du bien, du portier de St-John qui est une véritable mine de renseignements à lui tout seul, toujours prêt à aider avec bonne humeur et bienveillance ?


Au chapitre des anecdotes, ajoutons que l'immeuble dans lequel se trouve ma chambre comporte à l'entrée un tableau indiquant les noms des occupants. En regard du numéro de ma chambre je lis un nom qui n'est pas le mien, mais que je suppose être celui de l'ancien occupant des lieux: "J. Prout"... Ca ne s'invente pas.